Le soin, ça compte


Lors de ses premières interventions, le Premier Ministre Michel Barnier a évoqué à plusieurs reprises une forme de responsabilité vis-à-vis de la « dette écologique », voulant « dire la vérité ». Mise côte-à-côte de la dette financière qui, rappelons-le, est constamment rappelée comme raison de décisions politiques. Mais alors, comment définir la dette écologique ? Élements de réponse.

 

La Chaire Comptabilité Écologique (Fondation AgroParisTech), pionnière internationale, réalise des travaux de recherche sur ce type de problématique. Les chercheurs Alexandre Rambaud, Clément Feger et Clément Morlat ont donc réagi en expliquant l’histoire de cette notion par une tribune. La « dette écologique », telle qu’elle se comprend aujourd’hui dans les sciences et certains débats nationaux ou internationaux, serait une dette envers la nature que l’on doit préserver dans un « bon état ».

Par exemple, nous devrions préserver le climat sans une variation trop importante (+1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle), donc dans un certain état. Cependant, il est difficile de demander seulement au gouvernement français de calculer la dette écologique que nous avons au niveau planétaire.

 

Comment compter une dette écologique au niveau national ?

 

Clément Surun, expert biodiversité, aidé par Morgane Gonon et Antoine Levasseur se sont interrogés sur un volet important la préservation de la biodiversité, la destruction des milieux d’habitats, et par extension l’artificialisation des sols. C’est l’un des grands sujets de la loi Climat et Résilience car fixe une trajectoire pour aller vers une artificialisation nette nulle (ZAN). En partant de cet objectif écologique, quelle dette contractons-nous alors vis-à-vis de la Nature ?

Pour comprendre ce qu’implique cette artificialisation, il est intéressant de se pencher sur les conséquences de cette pression sur l’environnement : amplification des risques d’inondations, perte de la biodiversité par disparition des écosystèmes ou rupture des continuités écologiques, réchauffement climatique, pollutions, réduction de la capacité des terres agricoles à nous nourrir et renforcement des îlots de chaleur en zone urbaine.

Les chercheurs ont alors comparé le nombre d’hectares artificialisés avec le seuil maximum prévu par la loi, et en ont déduit une dette biophysique de 19,9 km² contractée pendant la seule année 2021. Lorsque l’on multiplie cette dette biophysique par des estimations de coût de désartificialisation, cette dette est alors entre 2 et 7 milliards d’euros. Or, en 2021, seul 1 milliard d’euro à été consacré à la désartificialisation des sols. Notre pays, lors de la première année d’application de la loi, a donc eu un déficit budgétaire entre 2 000 et 6 000% envers le sol.

Le manque de précision n’occulte pas la vitesse d’accroissement de la dette : compte tenu du fait que la trajectoire devient de plus en plus contraignante, ce déficit pour l’année 2050 avec la même activité aurait été de l’ordre de 70 fois plus important.

La solvabilité de la France non assurée

Et malheureusement il n’est pas possible de prendre une assurance. En effet, dans le cadre de transactions entre humains, il est possible de trouver ensemble une solution pour effacer une dette, même si certains se sentent pénalisés.

Quid de la dette écologique ? L’Etat va-t-il prendre en compte cette dette écologique dans ses comptes au même titre que la dette financière ? Ce serait une belle avancée pour notre planète.

Au-delà des chiffres, ce débat permet aussi de mettre en évidence que la transformation de nos systèmes d’information (c’est-à-dire de notre comptabilité) est indispensable si l’on veut réussir la transformation systémique de notre société. Donc des métiers associés à la comptabilité, du contrôle de gestion à l’audit des comptes en passant par les experts-comptables et les concepteurs de systèmes d’information.

Le Campus de la Transition, en tant qu’organisme de formation, participe à transformer la société à travers la diffusion d’une autre image de l’entreprise : la performance d’une organisation ne se mesure pas à son profit mais au soin des relations qu’elle a avec son écosystème, humain comme naturel.

Dans cette nouvelle perspective, le rôle des comptables serait alors de s’assurer du soin de ces relations. Finalement, intégrer les experts comptables dans l’économie du care, n’est-ce pas un avenir désirable pour cette profession ?

 

Rédaction : Yves Perret

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