La lecture du mois : « Quattrocento »


Ce mois-ci, nous vous proposons la lecture de Quattrocento, de Stephen Greenblatt. Sous de faux-semblant de roman historique – aucun élément n’est romancé, tout ce qui est raconté est sourcé -, ce livre est à mi-chemin entre la bibliographie et l’essai historico-philosophique.

Le livre raconte la vie du Pogge et la « redécouverte » du poème antique DeRerum Natura de Lucrèce. Le Pogge était un humaniste italien à la recherche d’œuvres antiques perdues dans les monastères les plus reculés d’Europe au début du XVème siècle. Il n’était pas seulement un « chasseur de manuscrit », il a aussi été secrétaire apostolique puis chancelier de la République de Florence. Ce récit retrace la vie du Pogge et la trajectoire du De Rerum Natura : le quotidien de la Curie romaine ; celui des moines copistes du Moyen-Âge ; le Concile de Constance au XVème siècle ou encore une après-midi dans le jardin de la villa des papyrus d’Herculanum en 79 av J.-C.

Parmi les nombreuses découvertes du Pogge, le De Rerum Natura est peut-être la plus significative. Ce long poème est l’un des principaux ouvrages de l’épicurisme latin, écrit par Lucrèce au milieu du Ier siècle av. J.-C. D’un latin d’une beauté exceptionnelle, ce texte de Lucrèce présente l’essentiel de la philosophie épicurienne : le monde est constitué de particules élémentaires, les atomes ; l’homme n’est pas au centre du monde et l’univers n’a pas été créé pour lui ; les dieux s’importent peu du sort des humains ; il n’y pas de vie après la mort ; le principal objectif de la vie est le plaisir et l’évitement de la douleur – ce qui donnera à tort l’image débridée que certains d’entre nous avons aujourd’hui du terme épicurisme ; enfin comprendre la nature des choses est une source d’émerveillement, d’où le titre de l’œuvre de Lucrèce.

Autant d’idées peu communes pour l’époque, même pour l’Italie. Partagé par le Pogge à ses contemporains, ce manuscrit rencontra un vif succès. Le poème a ainsi joué un rôle non négligeable à l’émergence de la Renaissance et Stephen Greenblatt ne se prive pas de lister les nombreuses influences sur les ouvrages de Montaigne, Thomas More ou Machiavel, certaines peintures de Botticelli ou encore les théories physiques de Giordano Bruno ou Galilée, pour ne citer qu’eux.

À la lecture du livre, on peut croire que ce seul livre a eu un impact unique sur la Renaissance. Qui sait ! Il me paraît néanmoins raisonnable de penser que malgré l’influence (vraisemblablement majeure) de ce livre et l’enthousiasme de Greenblatt, une grande partie des idées présentes dans le De Rerum Natura serait parvenues au Pogge et à ses contemporains par d’autres moyens, et la Renaissance aurait bien eu lieu, certes probablement un peu différemment. À cette attention près, la lecture de Quattrocento vaut le détour et vous donnera peut-être, tout comme moi, l’envie de (re)découvrir l’épicurisme antique !

Article rédigé par Florent Haffner.

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